Carrure de catcheur, crâne chauve, Dominic Noonan a 37 ans. Il en a passé vingt-deux en prison. Chef du clan le plus puissant de la pègre de Manchester, parrain d'une dynastie criminelle familiale au casier judiciaire conséquent, il a quarante condamnations à son actif, pour braquage, voie de fait sur policiers et gardiens, fraude, possession d'arme à feu, évasion et abus de confiance. Rackets, trafics de drogue, kidnappings, tortures et meurtres figurent parmi ses activités principales. Il est difficile à épingler, car la plupart des témoins clés appelés à la barre de ses procès disparaissent. "Vous vous êtes encore plantés, bande de merdeux", lance-t-il aux flics lorsque, faute de preuves, il est acquitté. Dangereux loustic.
A Very British Gangster est un portrait filmé de ce loustic. Son auteur, Donal MacIntyre, absent à l'image, est l'un des journalistes d'investigation les plus connus de Grande-Bretagne. Ses reportages sur la traite des blanches, le commerce illicite des armes en Europe de l'Est ou le trafic international des espèces en voie de disparition lui ont valu plusieurs menaces de mort. Il a passé trois ans à apprivoiser Dominic Noonan, le filmer au milieu des siens (famille et gang), recueillir le récit de ses "exploits". Grand prix du 25e Festival du film policier de Cognac, A Very British Gangster est un documentaire dérangeant. On y voit ce parrain frimeur et arrogant faire son autopromotion. MacIntyre n'y porte aucun jugement moral : c'était le deal.
CHIEN DÉCAPITÉ
Noonan est un gangster bien sapé, à cravate, qui trinque à la justice après une relaxe (le voilà libre après avoir été accusé d'avoir battu sauvagement quelqu'un à coups de batte de base-ball, l'avoir ébouillanté et poignardé trente-deux fois sur tout le corps). Il chantonne dans un karaoké : "On ne peut pas continuer à vivre dans le soupçon." Père de deux enfants, devenu gay, il traite affectueusement et fièrement l'un de ses fils de "petit salopard" et commente la terreur qu'il inspire : "Les gens flippent, ils savent de quoi on est capables !"
On ne voit évidemment pas le caïd dans le cadre de ses activités criminelles, on l'entend évoquer ses forfaits ("J'ai décapité son chien et mis sa tête sur la table, et ce mec ne m'a plus jamais ennuyé !"), claironner ses vengeances, assener sa philosophie ("Flingue ceux qui veulent te flinguer"). On découvre son fief : la boîte de nuit Hacienda (berceau de la révolution acid house), les quartiers pauvres de Manchester, avec les maisons en brique rouge, où le chef Noonan "fait du social" : "C'est moi, dit-il, qui résous les problèmes des gens."
Car oui, il glisse quelques billets à un père endetté, organise un feu d'artifice pour les gamins de la working class, calme un conflit qui risque de dégénérer, se substituant à l'Etat défaillant. Le constat n'est pas très flatteur pour Tony Blair.
Ces images brutales sont bercées par les musiques populaires du milieu, dont les vocalises d'un petit-neveu qui imite Elvis Presley et ambitionne de devenir la "Nouvelle Star", et par les images du fiston qui clope comme un hooligan désenchanté.
Scène hallucinante : les funérailles du frère de Dominic Noonan, poignardé par un dealer, sous escorte policière. Deuil quasi national, avec défilé du cercueil dans la ville, doigt d'honneur à la foule, chant étranglé a capella sur la tombe (My Way) et requiem pointé sur l'assassin : "Pas de pardon." Question de MacIntyre au truand : "Le sang n'a pas assez coulé ?" Réponse réflexe : "Ça fait que commencer !"
loiseleur a écrit:Excellent Clerks, je me suis rematé Dogma ya pas longtemps, je me suis bien marrer.
ram a écrit:
ca fait un moment que je veux voir clerks et mallrats, mais je les trouve pas
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