Les slacklines investissent les parcs suisses cet été. Cette «corde molle», requiert équilibre, concentration et musculature
Un léger tremblement parcourt la corde. Il traverse le corps d’Olivia qui se met à rire. Les vibrations s’accentuent. Son regard se concentre sur un point face à elle. La corde se fige sous ses pieds. Ses mains se crispent autour des deux bâtons de bois qui la relient au sol. Une profonde inspiration et Olivia saute! Lorsque ses pieds retrouvent la corde, la jeune fille est radieuse.
Une heure après ses débuts sur la slackline («corde molle» en anglais), la débutante est à l’aise. Le cours se déroule sur la Nouvelle Plage d’Estavayer-le-Lac, dans un «slackpark» éphémère installé spécialement pour l’occasion. La vue sur le lac de Neuchâtel est imprenable. Cinq sacklines d’une dizaine de mètres de long ont été tendues entre les arbres, à une cinquantaine de centimètres du sol. Pas de raison d’avoir peur, l’endroit inspire confiance. «C’est les good vibes (bonnes vibrations) de la slackline», explique le professeur d’Olivia, Matt Gehri.
Ce graphiste soleurois est professeur de sports d’hiver la moitié de l’année et surfeur le reste du temps. Il s’est épris de slackline il y a deux ans et avoue en être devenu dépendant. Toute sa vie s’articule autour de la corde. Pour faire connaître son sport favori, il donne des cours, fait produire et vend des cordes spécialement configurées et désignées pour la slackline.
Quelques bases
Le cours commence sur une corde posée par terre. Suivant les conseils de Matt, Olivia fixe d’abord un point sur l’arbre d’en face, puis marche à moitié accroupie, feint d’écraser un chewing-gum avec le pied, ferme un œil puis l’autre, et tente même la marche à reculons. A chaque étape, la fierté éclaire son visage, mais très vite Matt déclare: «Ça, c’est trop facile.» Et ainsi de suite. Après dix minutes de cours au sol, Olivia passe à l’étape décisive: la slackline tendue… dans l’air.
«Ah, ça bouge énormément!» remarque Olivia la voix soudain tremblante. Contrôler les mouvements de la corde est le premier défi des «slackeurs». Y parvenir requiert tous les muscles du corps et beaucoup de concentration mentale. «C’est un peu comme la méditation, le cerveau se vide totalement», souligne Matt. C’est vrai constate Olivia, «on se concentre sur quelque chose d’essentiel, sur son corps, ça change!» La débutante fait bientôt ses premiers pas… assistés. Les muscles des cuisses brûlent un peu. «La slackline est un excellent entraînement pour le ski, ça développe toute ta musculature», lui explique Matt. Les bases posées, Olivia s’exerce à trouver son équilibre toute seule. Sur la corde d’à côté, Matt tente un demi-tour en position assise. Un bruit sourd, il est par terre, mais se relève très vite tout sourire.
Des grimpeurs aux amateurs
Pour les fans de sports extrêmes et de freestyle comme lui, réaliser de nouvelles figures sur la corde est un réel défi. Dans les années 1980, la slackline a d’ailleurs été inventée par des amateurs d’escalade qui s’ennuyaient par temps de pluie. Le sport fut ensuite «importé» en Europe par le grimpeur autrichien Heinz Zak.
Aujourd’hui, la slackline est accessible à tous. Dans ses cours, Matt accueille des gens de 5 à 65 ans. «Mon plus grand fan est un dentiste soleurois de 65 ans, explique-t-il fièrement. Ce n’est pas inaccessible. Il faut juste un peu de patience et de persévérance», témoigne Olivia. «La slackline, comme le vélo, ça ne s’apprend pas à moitié, mais quand on y arrive, c’est magique», explique Matt. «Ce qui est bien c’est que tu peux en faire partout et que ce n’est pas trop cher», rajoute son élève convaincue.
Le cours s’achève. Olivia est contente d’avoir tenté l’expérience mais un peu déçue de ne pas avoir réussi une traversée de corde sans aide. «Il faut environ une semaine pour y arriver», la rassure Matt.
Le cours aura duré une bonne heure. Toutes les slacklines sont maintenant occupées. Des enfants concentrés marchent sur les cordes aidés de bâtons, des adolescents se mettent au défi de stabiliser la corde, des adultes y posent un pied l’air de rien. «Tu as demandé la permission?» demande un père à son fils qui lui répond: «Pas besoin, c’est pour tout le monde.»
Conseils aux amateurs.
Tendre la slackline au-dessus d’un sol meuble (gazon, terre...), à hauteur du genou, pas plus.
source : www.letemps.ch